Bio

D’abord, c’était la musique. Le piano, ce chemin qui m’a été offert par l’amour de mes parents et m’a fait entrer dans la rigueur voire l’austérité jusqu’à, à force d’entraînement et de ténacité, trouver une petite place entre les signes si précis qui dictent les conduites.
Fascinée en même temps par l’écriture, je fais des études de Lettres qui me donnent la richesse du doute et la conscience d’un héritage à transmettre.
Et, je réalise mon rêve d’enfant : « devenir maîtresse d’école ». Chaque année, au contact du monde de l’enfance, j’apprends pas à pas comment survit l’humanité dans tout ce que révèle de plus grave un sourire oublié sur le visage dessiné d’une maman, par exemple… Leurs joies et leurs peines sur mon épaule donnée accouchent progressivement de cette certitude : mon bijou le plus précieux est d’avoir donné la vie mais que cela ne suffit pas… encore faut-il que cette parure orne quotidiennement chacun de mes traits, tous mes gestes et scintille toujours dans mes plus sombres heures.
Mes premières sculptures ont été une nécessité vitale : J’avais besoin de rencontrer la Matière, pas pour m’y fondre mais pour restaurer une certaine beauté du monde jusque dans sa souffrance même.
La terre est première, résistance dans sa malléabilité et j’avais voulu qu’elle dise mon attachement à l’humanité. Aujourd’hui, j’ai en plus l’espoir en la travaillant qu’elle vous parlera aussi de la plénitude du trajet qu’offre la vie à chacun de nous, plénitude qui ne s’inscrit pas forcément dans la durée mais, toujours dans l’intensité, dans la surprise des rencontres.
En même temps, je découvre sur mes premières toiles vierges, une autre pesanteur, une profondeur plus intime, délestée. Au départ, la liberté qu’offrent les deux dimensions me déstabilise mais de suite, parmi toutes les couleurs, c’est Le Bleu qui me choisit. Lui seul donne le ton, pose l’intensité sans régner, scintille dans le sombre, vibre densément et s’installe d’emblée dans la moindre touche, dans la plus frêle évocation, dans la plus simple transparence. J’admire son pouvoir de séduction immédiate et rêve qu’il me le concède, humblement.
Puis vint le Rouge. A lui je m’identifie d’abord : il a comme moi besoin des miroirs et des résonances chromatiques pour panser sa latente forme concave dans laquelle tout dégringole. Bien sûr il hurle sans cesse mais bizarrement, ce sont les murmures derrière le vacarme inutile qui m’ont émue.
Alors seulement, j’ai pu accueillir les autres couleurs sans plus d’autre souci que de voir la faille dans la forme sûre.
Une faille qui devient gouffre lorsque , subitement, une vague immense jaillit et manque de peu d’emporter mon si fragile radeau… Mon fils qui lutte pour se garder en vie et moi qui suspend mon souffle et puis qui me bats pour que sa main ne lâche pas la mienne…. Et puis ces visages qui disparaissent définitivement comme des forêts qui brûlent en un instant.
On parle souvent de ces cicatrices qui, d’une certaine manière, embellissent une peau, la caractérisent. Ce sont tous ces deuils qui ont fait émerger la nécessité de simplifier ma vie, de vivre en harmonie avec tout ce ciel en moi, de peindre pour ne plus me distraire de ma vie mais pour la trouver, profondément.
J’ai donc déposé mon cartable d’école et je me suis inscrite au registre des artistes professionnels.
Je ne sais pas ce qui relie les choses entre elles, mais depuis que je suis dans l’atelier à plein temps, j’ai conscience d’être en éveil. Le monde m’interpelle sans cesse. Avant, je marchais sur des trésors sans les remarquer, je n’avais jamais le temps. Au cours de mes marches et de mes travaux, mes sens me donnent à voir le sens en même temps que son renouvellement permanent. Loin de me déstabiliser, faire exploser tous ces systèmes ancrés m’a posé au cœur de l’impromptu, en conscience de l’imminence permanente d’une rencontre plastique ou mentale que je m’applique à ne rien faire d’autre que de laisser advenir…